10ème Moi qui sui un passionné des fusées et des missiles, j’ai eu la chance d’assister au tir de 3 fusées Centaure.
Le premier tir a eu lieu le jeudi 05.11.1964 à 17 h 40, le deuxième tire à 22 h 50 et je suis monté à la tour de contrôle voir le tir,
et le lendemain, je me suis levé de bonne heure pour assister au troisième tir le vendredi 06.11.1964 à 5 h 29.
Ce fut des moments magnifiques pour un passionné comme moi !
11ème Jean-Jacques BOMPARD (classe 1959, sursitaire, incorporé (après un report de 3 mois cause apte EOR) le 3 février 1964 sur la base aérienne d'Orléans-Bricy, arrivé à Reggan le 4 mai 1964, retour à son domicile le 14 avril 1965; Grade: Caporal).
Une arrivée inattendue et mémorable
Désigné d'office pour être affecté à Reggan (détachement de l'Armée de l'Air), je quittais Le Bourget (en Nord 2501) le 4 mai dans la fraîcheur du matin. Après une escale à Bou Sfer et un vol vers Reggan dans un ciel rendu opaque par d'impressionnants vents de sable, nous arrivâmes sur place dans l'après midi. J'étais accompagné d'un appelé de Vichy (ancien employé dans le BTP de Guy Ligier…avant la F1) . A l'époque le site de Reggan avait été désaffecté depuis quelques mois (dernière expérience nucléaire en avril 1961). Sur place étaient cantonnés le 1er et le 2ème REP (dissous), des éléments des Bat' d'Af (bataillons d'Afrique) et un petit détachement de l'Armée de l'Air (environ 20 personnes ).
Prés de l'escale aérienne, la plupart des bâtiments de séjour avaient déjà été rasés ; on rapatriait certains biens (armoires de soldats, par exemple), on en réformait d'autres sur place (véhicules) et on assurait la maintenance de la piste. En vérité, nous n'étions pas vraiment attendus à notre arrivée, et on nous désigna comme logement de "fortune" une baraque Fillod , proche du hangar de piste. Nous y trouvâmes 2 lits dont les draps, couleur "chocolat", témoignaient d'un usage antérieur aussi ancien qu'intensif. Nous n'avions pas le choix.
Eprouvés par le changement de température, rapidement couchés, nous nous aperçûmes bien vite que les lieux étaient infestés de punaises. Je découvrais, alors, sur le rebord du hublot de la baraque un gros morceau de Persavon abandonné avec lequel, pendant toute la nuit, j'écrasais soigneusement quantité de punaises. La seconde nuit fut également blanche et consacrée à la même et salutaire activité. La troisième nuit, épuisés l'un et l'autre, nous nous sommes endormis.
Au petit matin,je portais les traces de 84 piqûres de punaises et mon compagnon à peu prés autant. Je résistais à l'envie impérieuse de me gratter ce que ne fit pas mon voisin qui conserva pendant plusieurs semaines, de vilaines croûtes .Le lendemain, ayant trouvé un bidon de DDT nous en avons enduit nos couches (de chaque coté des draps), ce qui fut assez efficace.
Inquiets pour notre santé, nous avons obtenu, deux jours plus tard, de nous installer, tout à coté, dans les chambres inoccupées d'une aile en dur jouxtant le hangar avion.
Le premier travail consista à désinfecter les lieux, plus tard à remettre en route l'humidificateur . C'est dans cette chambre que j'ai vécu seul pendant 11mois dans ce qu'il était convenu d'appeler un certain confort.
Lorsque vers le mois de juillet 1964 d'autres appelés nous rejoignirent des chambres en dur, proches de la mienne, furent immédiatement disponibles pour les accueillir.(voir photos)
Des activités diverses et originales
Diplômé de l'enseignement supérieur(Droit, Sciences-po) on aurait pu m'attendre dans un bureau .Il n'en fût rien. A mon arrivée, l'Adjudant commandant notre petit groupe attendait "un météo". Voilà comment après un apprentissage sur le tas de quelques rudiments (le ciel en 8èmes etc..), je tins ce poste quelques jours avant d'être appelé à bien d'autres activités : Déménagements de matériels et de mobilier par des températures à couper le souffle (avec un chauffeur de la Légion et 2ou 3 autochtones venus de la palmeraie voisine), électricien auto (ah! l'acide des batteries), magasinier (habillement, outillage, pièces détachées autos et avions) émission des bons (modèle19) pour l'avitaillement des avions, surveillance des groupes électrogènes (assurant notamment l'éclairage de la piste -réveil assuré à toutes heures!).
Curieusement, j'étais le seul à savoir cercler des caisses avec du feuillard métal .Certains en abusèrent en m'ordonnant de cercler certaines caisses au contenu improbable et de les charger à bord des aéronefs. Ainsi, mes "talents" ayant été largement utilisés, je conserve un bon souvenir des expériences que l'Armée m'a permis de faire.
Pour le reste, tous les après midi (13h-17h) étaient consacrés à la sieste. J'ai essayé longtemps de m'en affranchir, mais au bout de quelques mois, la nature m'imposa d'y avoir recours plusieurs fois dans la semaine..
Enfin, puisque nous avions la possibilité de le faire (où partir?), j'effectuais de temps en temps avant le lever du soleil, des promenades solitaires dans le désert plutôt en direction du Sud-est bien au-delà du plateau de Reggan (dunes, bois pétrifié, roses des sables, marabouts isolés et autres découvertes etc…voir photos ..) Même à ces heures clémentes de la journée, il fallait prévoir une bonne provision d'eau, la norme, en ce qui me concerne, ayant toujours été d'au moins 14 litres par jour.
Réparer la tôle froissée d'un aéronef
Début 1965, l' IGN effectuait des relevés cartographiques au Sahara au moyen d'un Hurel Dubois HD 34 (12 heures d'autonomie de vol, roulette de nez décalée pour laisser la place à des caméras) .Un jour, malencontreusement, le chauffeur d'un chariot élévateur heurta l'empennage (vertical triple)du HD 34 , le bord d'attaque de l'élément arrière gauche étant enfoncé sur quelque 50 centimètres de longueur . Considérant les dégâts avec le pilote, je lui indiquais que je disposais (au magasin )de tôles d'aluminium. Il accepta ma proposition de tenter une réparation. En fin d'après midi, j'avais terminé de remplacer la partie accidentée par une tôle formée à la main et fixée avec de petites vis parker et des rondelles éventail. Le travail semblant satisfaire le pilote, il effectua un essai en vol d'environ une demie heure. A son retour, il me déclara "Il y a bien quelques petites vibrations,mais nous allons pouvoir rentrer." Le lendemain,un message arrivait de France, tout s'était bien passé.
Des compagnons du règne animal
Peu après mon arrivée,je découvrais une chatte grise (d'où venait elle?) je l'adoptais. Je l'appelais "Sylvie", c'était l'époque. Un peu plus tard, elle mit au monde 2 chatons (p'tit chat et kiki) que je conservais. Ils furent mes compagnons pendant le reste de mon séjour.
Un jour, l'un des autochtones vivant dans la palmeraie voisine, avec lequel je travaillais, nous proposa un fennec qu'il avait capturé .Nous le prîmes en charge avec un autre appelé. L'animal, déjà adulte, était récalcitrant .Néanmoins, pour lui permettre de s'ébattre, nous lui avions mis un collier et une ficelle de quelques 50 ou 60 mètres, ce qui nous permettait de le faire courir. Arrivé au bout de la corde, nous le ramenions "de force" en direction du local. pensant, ainsi, le dresser. Un jour, nous vîmes qu'il continuait à courir : la corde avait cassé.
Une autre fois, un autochtone de la palmeraie me présenta un gros scorpion brun foncé (le plus redouté). Placé pendant plus d'un mois dans un boite métallique au sommet de l'armoire de ma chambre, nous nous sommes aperçus que la capacité de survie de cette espèce n'était pas une légende. Un mois après ,donc, il "tournait comme un avion" sur les bords du lavabo dans lequel on l'avait mis, crachant à "la demande" son venin aux couleurs du sirop d'orgeat.
D'autres avaient récupéré des iguanes du désert . Ce ne fut pas mon cas. Ils partageaient la vie des appelés y compris dans leur lit. Un officier médecin de passage battit un jour en retraite, effrayé, après avoir ouvert la porte de la chambre qui accueillait principalement cette "population" qui menait une existence contemplative.
Du ski dans les dunes
Au hasard de mes promenades, j'avais découvert, près du bordj de Reggan, une paire de skis en bois de frêne fabriquée au début des années 30. Equipé de Pataugas en guise de chaussures de ski ,j'obtenais d'essayer ces skis sur les dunes au sud ouest du plateau . L'illusion de la glisse entretenue sur la pente par le roulement du sable cessait brutalement dès que la pente s'adoucissait. Je ne fis pas d'autres essais;
En 1984, je rencontrais Roger Frison Roche qui avait emmené des skis dans le Sahara dans ces années 30.et raconté son histoire .dans un livre bien connu. "Ce n'étaient pas mes skis, me dit-il, les miens étaient en métal". Il en résulte que ces skis avaient été abandonnés ,là , par des méharistes qui effectuaient, alors, un raid entre la Mauritanie et l'Est du Sahara. Les hommes du désert les avaient conservés précieusement, en souvenir.
Une belle suite à ce souvenir
Le 14 decembre 2009,je reçois un appel télephonique de quelqu'un qui m'était inconnu : je m'appelle Gérard Bourdaud ; Est ce vous qui aviez des chats à Reggane ?
Arrivé à Reggane en juin 1966 , G.Bourdaud avait découvert une petite chatte noire répondant au nom de Kiki ; Blessée avec une fracture à deux pattes mais bien réparée elle avait été trouvée au pied d'un bâtiment de le légion et fût bien soignée."
L'ayant adopté G.Bourdaud partagea plusieurs mois avec cette compagne ,puis, réussit à emmener la chatte en France lors de son retour au mois de mai 1967. kIKI avait,alors, un plus de 2 ans et demi et vécut encore 10 ans chez son maître adoptif . Une belle histoire pour une petite chatte saharienne née sous un lit de militaire au milieu du désert.
Le désert noyé sous l'eau
Reggan est situé au nord de Tanezrouft, une des régions les plus arides du monde. En Janvier 1965, un phénomène d'une extrême rareté s'est produit : le désert était complètement inondé. Sous l'étendue de sable, il y a, en effet, une couche de latérite qui fait obstacle à l'absorption de l'eau. Des pluies très abondantes s'étant produites, une fois le sable imprégné, elles avaient entraîné la formation de vastes étendues d'eau, au total plusieurs kilomètres carrés (voir photos). Des oiseaux migrateurs avaient accompagné ces précipitations, les camions s'enfonçaient jusqu'aux essieux dans le sol devenu sans consistance, des avions civils algériens avaient été déroutés sur le plateau la piste non revêtue d'In Salah étant devenue impraticable.
Il fallut plus de deux semaines de soleil pour que l'eau s'évapora. Le désert est alors apparu sur de grandes surfaces recouvert d'une couche blanche éclatante, un peu comme de la neige ou du givre. Il s'agissait de sel, témoin de l'époque où le désert avait connu la mer. En quelques jours le vent, toujours très actif, en effaça toutes traces.
12ème Ballet improvisé entre un camion et une 403
Mission nous avait été donnée de récupérer des affaires au Bordj de Reggan. Ce transport nécessitait un véhicule utilitaire.Le chauffeur ne disposant d'aucun véhicule, je lui indiquais qu'un camion en stationnement de longue date me paraissait en état. Il s'agissait d'un Citroën U 23 type 1960/1963, à ridelles à plateau et cabine semi avancée à moteur essence ID 19. Je faisais mon affaire de lui mettre une batterie rechargée et dans un joli bruit, le moteur se remit en route.
Nous emmenions avec nous 2 hommes de la palmeraie pour nous aider;ils s'installèrent sur le plateau. A peine partis, nous constatâmes que la cabine du camion s'était remplie de sable au cours de son immobilisation .qui volait de partout dans la cabine. Je proposais au chauffeur d'ouvrir les vitres et de donner des grands coups de volants à droite et à gauche pour secouer le sable et le faire partir, ce qui n'était pas sans effet. Par le hublot de la cabine j'observais que les 2 hommes bien accrochés à l'arrière sur le plateau riaient à gorge déployée. Cet exercice de zigzags se poursuivit le reste du parcours .
En arrivant à Reggan ,un 403 Peugeot s'immobilisa brutalement à côté de nous. De l'arrière ,descendit fou furieux un colonel (Armée de terre ou Transport) qui me dit "c'est vous le responsable!",oui,mon Colonel.."Voilà 7 kilomètres que mon chauffeur essaye de vous doubler et chaque fois vous donnez un coup de volant à gauche pour l'empêcher de passer! Je vais vous foutre un mois au départ !" Nous comprenions mieux le rire de nos 2 aides. J'expliquais les circonstances à mon chef et comme il n'y avait pas de taule, cette épisode se solda par une réprimande .